Clément Urrutibéhéty: Lantabat en Basse-Navarre
Lantabat
en Basse-Navarre
Clément
Urrutibéhéty
Extraits
de La Basse-Navarre, héritière du royaume de Navarre,
Atlantica, 1999.
I-
Abandon de la seigneurie de Behaune en faveur des Prémontrés de
Lahonce, 1227 et 1474. Pages 54 à 56.
II-
Cour générale de la vallée de Lantabat, maisons anciennes et
petites maisons, 1663. Pages 374 à 377.
III-
La vallée de Lantabat. Pages 480 et 481.
I
Abandon
de la seigneurie de Behaune
en
faveur des Prémontrés de Lahonce, 1227 et 1474
Les
pèlerins
trouvaient un accueil dans
les trois baronnies du Seigneur de Luxe, à Luxe, à Ostabat et à
Lantabat. Le prieuré-hôpital
de Behaune
prenait son essor dans
la vallée de Lantabat en
1227, grâce aux libéralités du seigneur de Luxe. Précédemment
existaient une grange,
on ne sait depuis quand, un granger,
métayer
ou régisseur dépendant du seigneur, et une communauté de frères
et de sœurs, donats (1)
ou donades donnés au Christ.
Pierre
Arnaud II faisait donation en 1227 aux Prémontrés et à l’abbé
de Lahonce, Nicolas de Damasan, du lieu de Behaune,
d’une part du bois
bedat (2)
de
Behaune et du droit de pacage pour le bétail de l’hôpital (3)
dans
toutes les terres du seigneur. Ce
dernier renonçait à sa seigneurie sur
Behaune en faveur des Prémontrés, et jurait de les protéger contre
toute atteinte. Les opposants étaient voués à l’excommunication.
Les
donats et donades furent les témoins privilégiés avec le prieur
d’Utziat
et deux frères du donateur, Bernard de Luxe, moine de Lahonce, et
Loup Bergon de Luxe, moine de Sorde, du serment du seigneur sur
l’autel de l’église Saint-Pierre de Behaune, per
rarum et cespitem,
à l’aide symbolique d’un rameau et d’une motte de terre. Ils
promettaient obéissance à l’abbé de Lahonce, qui recevait et
acceptait leur engagement, parce qu’ils étaient indépendants de
tout ordre religieux, dépourvus de toute trace d’appartenance
religieuse.
Jean
de Luxe confirmait la donation en 1474 à l’intérieur de l’église
Saint-Paul de Saint-Palais, en présence de son curé-prieur,
Bertrand du Fossé. Il reconnaissait l’abbé de Lahonce, Pés de
Beyrie, comme vrai seigneur, propriétaire de Behaune, par délivrance
directe de terre, de bois et d’herbes sèches et vertes, de sa main
droite à la main droite de l’abbé, à la condition expresse que
les donats et les donades, choisis, élus et installés par l’abbé,
continueraient de jouir des mêmes prérogatives que dan le passé.
«Par
la teneur des présentes je
fais pour moi, pour mes héritiers nés et à
naître, nouvelle donation, aumône et grâce d’une part du bedat
de Behaune contenue dans
la charte dudit privilège, et de la jouissance des terres vaines,
herbes, fruits, eaux de la terre de Lantabat, et de toutes les causes
contenues dans ledit privilège ou donation, exprimées et déclarées
audit Mossem Pierre de Beyrie, abbé actuel dudit monastère
de
Lahonce, et aux frères de celui-ci, et au régisseur, frères et
sœurs de Behaune, qui sont à présent, ou seront dans le temps
députés, créés, mis et installés au nom dudit abbé et couvent
de Lahonce, présents ou futurs, et ceci à perpétuité sans limite
ni autre contrat, ni violation ni autre prescription contraire, en
aucune manière et pour aucun motif. Et pour cela je me
dépouille et dépossède de la seigneurie, moi-même et tous mes
héritiers nés et à naître, de tous les droits, action, seigneurie
et pouvoir que j’y ai, doive et puisse avoir dans le
lieu de Behaune, à cause desdites aumônes et abandons contenus dans
ladite charte de donation. Je mets, institue et constitue pour vrai
seigneur et propriétaire vous dit Mossem l’abbé de Lahonce et
votre couvent, et vos abbés successeurs et couvent de Lahonce, par
la teneur de la présente charte de donation, et
par délivrance de terre, bois, herbes vertes et sèches, de ma main
droite à votre main droite en signe de possession, en telle forme et
condition que lesdits abbé, frères, régisseur, donats et donades
de Behaune élus, députés et mis par ledit couvent puissent jouir
et profiter de toutes et chaque cause susdites, ainsi qu’il est
permis à chacun de faire d’une cause donnée, comme et selon la
forme dont ils ont jusqu’ici usé, joui et profité… Ce fut fait
en l’église de Saint-Paul de la ville de Saint-Palais le 9 août
de l’an 1474 de la nativité du Seigneur, témoins présents dans
le lieu et en tant que tels agissant Mossem Bertrand du Fossé,
prieur de Saint-Palais, Mossem Pes de Berescoaitz, Tristant,
seigneurs d’Eliceiry de Lantabat, Me
Bernard de Biscay, notaire, et Johanon de Bidentz, vesins de
Saint-Palais, et moi, Peytreton de Luxe, notaire public d’Ostabat,
dans tout le royaume de Navarre par autorité royale, rédacteur de
la présente charte».
II
Cour
générale de la vallée de Lantabat
Maisons
anciennes et petites maisons 1663
Les
maîtres des grandes maisons ou maisons anciennes de la vallée de
Lantabat eurent à soutenir un procès au Parlement de Pau pendant
quinze à vingt ans, au XVIIe siècle, contre les maîtres
des petites maisons ou maisons nouvelles. Les cadets installés sur
des arpents de terre commune réclamaient leur part du bois bedat (2)
de Behaune, et obtinrent la jouissance d’un cinquième de la
récolte de glands, à défaut de la possession du bois reconnue aux
maisons anciennes.
Le12
août 1663, une cour générale des maîtres
des maisons anciennes se
tenait devant la maison Etchechoury du bourg de Saint-Martin, lieu
accoutumé des assemblées de la vallée, sur la dévolution de
l’argent provenant de la vente de 1500 chênes. Les maîtres des
petites maisons demandaient le cinquième du prix de chacun des
maîtres anciens, ainsi que la cour l’avait reconnu pour la
glandage.
Les
maîtres anciens s’engageaient pour deux ans dans un autre procès
et un nouvel emprunt pour couvrir les frais, et donnaient procuration
à noble Marc Antoine d’Eliceiry, prieur de Behaune, et à Joannes
d’Iriart de Saint-Martin.
Outre les deux procureurs et le bayle de Lantabat, étaient présents
à la cour générale noble Louis de Haranburu, noble Jean
d’Elissalde, sieur de la Salle de St Esteben, noble Simon, sieur de
la salle d’Eliceiry, Joannes de Cuhoratzu,
Joannes d’Iribarne, Jeannot d’Inchaurchoury, Peillo d’Otheguy,
Bertrand d’Amestoy, Joannes de Recalde, Joannes de Harispuru, Jayme
d’Apitz, Jaonnes d’Uhart, Domingo de Landetcheberry, Beignat
d’Arsaphalo, Sans de Larralde, Arnaud d’Ondaitz,
Joannes d’Etchegoin, Sansot de Berhoet, Beignat d’Iturburu, Ramon
d’Ilharre, Pierre d’Oyhenart et
autres...
Le
mémoire d’Oihenart, lieutenant général de la Sénéchaussée,
sur les justices, indique bien qu’aux cours générales de la
vallée assistaient avec le bayle ou le bailli, les quatre
gentilshommes vassaux du seigneur de Luxe, sieurs des maisons
Eliceiry de Saint-Martin, Haranburu et Saint-Etienne de
Saint-Etienne, Jaureguy d’Azkonbegi, plus les maîtres des
anciennes maisons, au nombre de quarante environ, tributaires d’un
fief d’un quart d’avoine chacune au seigneur de Luxe, et se
disant, ainsi que les nobles, juges jugeants du pays de Lantabat.
Le
procès terminé en faveur des maisons anciennes en 1665, leurs
maîtres restaient débiteurs de 40 francs chacun. Insolvables et
incapables de rembourser, ils cédèrent leur part du bois de Behaune
au prieur, moyennant 200 francs bordelais la part. Nous avons relevé
dix-neuf contrats de vente entre entre les années 1665 et 1679, sur
les quarante-trois parts acquises par le prieur, selon l’abbé
Charles d’Eliceiry.
Le
nombre de cinquante et un propriétaires indiqué par ce dernier dans
la vallée de Lantabat doit correspondre à l’ensemble des maisons,
grandes et petites, les quarante anciennes et les dix ou onze
petites, ayant part à la répartition de la glandée.
Par-delà
les querelles et les intérêts des petites maisons et des maisons
anciennes, coexistaient dans la baronnie de Lantabat le système
féodal et les assemblées démocratiques des maîtres de maison.
Maîtres
des petites maisons et baronnies assujetties au paiement des
quartiers
Les
maîtres des petites maisons de Lantabat, s’étaient battus pour
avoir les mêmes droits que les maisons anciennes dans le bois de
Behaune, ils durent se contenter du partage de la glandée. La
réglementation des Etats du 17 juillet 1676 assujettissait tous les
maîtres des petites maisons de Basse-Navarre au paiement des
quartiers, de la donation votée chaque année en faveur du roi. Même
obligation était faite dix ans plus tard aux habitants d’Ostabat
et de Behorlegi, baronnies jusque là exemptées.
Les
grandes maisons s’étaient plaintes de supporter seules
l’imposition, à l’exclusion des petites «bâties sur le
fonds des autres grandes ou sur leurs terres communes». Réduites
et appauvries d’autant, elles clamaient leur impuissance
contributive, si les petites n’étaient pas imposées. Le 10
novembre 1688 les Etats confirmaient le règlement de 1676, et
ordonnaient que les petites payeraient ainsi que les grandes, «le
fort portant le faible, eu égard aux commodités des contribuables,
moyennant quoi les maîtres des petites maisons seront admis à
toutes la charges dont ceux des grandes sont capables».
Les
jurats d’Ostabat avaient introduit une requête aux Etats de 1687
pour demander l’accès de leurs députés à l’assemblée des
Etats, comme les autres députés des villes «attendu qu’ils
sont membres du royaume, et qu’ils supportent la part des charges
quoique dépendant du seigneur de Luxe, ou bien qu’ils doivent être
exempts de toute contribution à l’exemple des sujets de Gramont et
autres qui n’entrent pas aux Etats».
Leur
requête fut rejetée comme contraire à l’usage. Les baronnies
d’Ostabat et de Behorlegi, jointes aux maîtres des petites
maisons, revenaient à la charge aux Etats de 1689. Le clergé leur
était favorable, la noblesse et le tiers état soutenant l’intérêt
financier des Etats. Par pluralité des voix, l’assemblée
ordonnait l’exécution des règlements, et la poursuite des
instances pendantes en cour et auprès de l’intendant «sur le
fait desd quartiers pour soutenir les intérêts des Etats tant
contre les habitants de Behorlegi et d’Ostabat que contre les
maîtres des petites maisons».
Une
nouvelle requête des jurats et des députés d’Ostabat en 1694,
pour entrer aux Etats ou être déchargés des contributions, n’eut
guère plus de succès. Les Etats se contentaient de renvoyer
l’affaire à la prochaine assemblée, et de nommer des
commissaires: de l’église, Marc Antoine d’Eliceiry, vicaire
général de Behaune, et le prieur de Saint-Palais; de la noblesse
d’Oneix, d’Erdoy et d’Ermont; du tiers état, d’Albinorits et
Casenave, députés de Saint-Jean-Pied-de-Port, Sorhouet, député de
Saint-Palais, Garat, député de Garris, et Etchebers, député de
Mixe.
III
La
vallée de Lantabat
La
vallée de Lantabat, baronnie du XIe siècle, appartenait
au seigneur de Luxe, baron ancien de Luxe, Lantabat et Ostabat.
Quatre gentilshommes, ses vassaux, maîtres des maisons nobles
d’Eliceiry, Donosteya, Haranburu et Jauréguy, et la quarante
maisons anciennes de la vallée se disaient juges jugeants et
assistaient aux cours de justice à ce titre.
Le
système féodal était tempéré par les assemblées démocratiques
des maisons anciennes qui se tenait à Saint-Martin devant la maison
Etchechoury. Le seigneur de Luxe abandonnait ses droits seigneuriaux
à Behaune en 1227 en faveur des Prémontrés de Lahonce. Ils y
trouvaient les donats déjà en place dans la grange qui deviendra la
prieuré hôpital de Behaune. Les droits des religieux et des donats
étaient confirmés en 1474 dans l’église Saint-Paul de
Saint-Palais.
Le
prieur Marc Antoine d’Eliceiry, vicaire général de l’évêque
de Dax en Mixe-Ostabarret-Lantabat, son représentant aux
Etats-Généraux de Basse-Navarre, léguait des biens en 1696 aux
Jésuites de Pau pour la fondation, sans suite, d’un séminaire à
Saint-Palais.
La
tombe familiale, sous le porche de l’église Saint-Martin, rappelle
que Pierre d’Eliceiry, décédé en 1873 à l’âge de 79 ans,
était le 22e héritier de la maison, dont la fondation
remonte ainsi, d’après le décompte des générations, à l’orée
du XIIe siècle.
(1)
«Les donats (…) étaient
des laïcs engagés au service de l’hôpital et du prieur [qu’]ils
élisaient. Le prieur choisissait à son tour les donats. Ces donats,
ou condonats, ou frères donats, donati ou condonati, participaient
à l’action du prieur, donnés au service des pèlerins, voués
ensemble à la marche de la communauté hospitalière. Ils avaient
quelque part aux offrandes. Ils habitaient des maisons à l’entour
des établissement de soins. C’était de véritables patrons laïcs,
successeurs (…) des moines de l’église naissante au Pays Basque,
liés par le vœu de chasteté viduale, c’est-à-dire qu’ils ne
pouvaient se remarier après veuvage. Ils jouissaient des avantages
des présentateurs laïcs et élisaient en conséquence le prieur».
Clément Urrutibéhéty, Les communautés de donats, revue Gure
Herria, 1958eko urria, 4.
(2)
«Le bois bedat, bede
ou vete,
était un bois interdit au bétail en temps
de bedat, en temps de
glandée, de fin septembre à Noël, pour préserver la récolte des
glands. Les usagers, appelés radiers ou portionnistes, avaient des
droits d’usage dans ces bois de statut social et juridique spécial,
appartenant au roi, à des seigneurs, à des maisons nobles ou à des
commanderies, et régis par des règlement en assemblées des
radiers». Clément Urrutibéhéty, La
Basse-Navarre, héritière du royaume de Navarre, Atlantica, 1999,
page 304.
(3)
Au Moyen-âge et sous l’ancien régime, l’hôpital ou maison
hospitalière recevait les étrangers, les pèlerins, soignait
gratuitement les malades, les infirmes, les vieillards indigents.
Note de 2018
Commentaires
Enregistrer un commentaire